mardi 29 novembre 2011

Vers une charte contre la sexualisation infantine ?

Des manifestations étrangères. Au début du mois de novembre, plusieurs photographies publicitaires mettant en scène des mineurs ont occasionné de vives réactions contestataires, voire ont fait l'objet de censure. Il en est ainsi de la publicité pour le parfum OH Lola! de Marc Jacob, qui met en scène Dakota Fanning, âgée de 17 ans lors de la prise de la photographie. L'image représente la jeune fille assise, vêtue d'une robe à dentelle, tenant entre ses cuisses un modèle oversize du flacon de parfum. L'autorité des normes publicitaires anglaises (Advertising Standars Authority), équivalent du Conseil supérieur de l'Audiovisuel français, a exigé le retrait de la publicité, qu'il estime "irresponsable et sexualisante", principalement en raison de la "position suggestive" de la mineure. Une telle décision paraît critiquable en raison de sa subjectivité évidente : qu'est-ce qu'une pose suggestive? La jeune fille n'est même pas dénudée et ne simule a priori aucun acte sexuel!
Notons que cette photographie ne viole pas la loi française.

En France : vers une charte contre l'hypersexualisation des mineurs. La France semblait préservée  de cette pudibonderie. Jusqu'à ce jour du moins. Hier, Roselyne Bachelot-Narquin a installé "un groupe de travail sur l’élaboration d’une charte relative à la protection des enfants dans les médias intégrant un focus sur l’hypersexualisation", selon un communiqué du ministère des Solidarité et de la Cohésion sociale en date du 28 novembre 2011. La présidence de ce groupe est confiée à Jacques Hintzy, président d’Unicef France. Cette charte, prévue pour mi-janvier, doit fixer des références éthiques, déontologiques et pédagogiques sur l’utilisation de l’image des mineurs dans les médias et doit établir "des principes visant à ne plus promouvoir dans les médias des reportages, produits ou services qui encouragent l’hypersexualisation des petites filles". Par ailleurs, le ministre des Solidarités et de le Cohésion sociale a également confié  à la sénatrice Chantal Jouanno une étude sur les dispositifs d’observation et de régulation des médias concernant le phénomène de l’hypersexualisation des mineurs. Bien qu'il n'existe aucun lien officiel entre la décision de la ministre et les récentes publicités litigieuses, il semble difficile de croire à une simple coïncidence. En tous les cas, le doute existe.  


Il va sans dire que le contenu et la forme de cette future charte font l'objet de beaucoup d'incertitudes. Une charte se définit comme  "un document définissant solennellement des droits et devoirs" (CORNU Gérard, Vocabulaire juridique, PUF, coll. « Quadrige », 2è éd., 2011). Si certaines chartes, comme celle de l'environnement, bénéficient aujourd'hui d'une valeur constitutionnelle, toutes n'ont pas vocation à se voir reconnaître la même force juridique. Ainsi, quelle sera la valeur de cette charte contre la sexualisation infantile? Comment définir la notion d'"hypersexualisation"? Comment concilier le contenu de cette charte avec la liberté d'expression en général et la liberté de la presse en particulier ? Comment  concilier une telle charte avec la loi pénale française qui n'interdit que les seules images pornographiques ?


Le contenu de la future charte ne manquera sans doute pas de soulever des réactions. 
Elle fera l'objet d'une étude précise. 

dimanche 27 novembre 2011

Des sex-toys "trouble-fête" sur le marché de Noël de Nancy !

Sur le marché de Noël de Nancy : du vin chaud oui, des objets "hot" non!


23 novembre 20011 : un chalet spécialisé dans les objets érotiques s'installe. Le 23 novembre dernier, le village de Noël a ouvert ses portes à Nancy. Pour la première fois, il a accueilli, aux côtés des confiseries, gâteaux de Noël, parfums, bougies, encens, décorations pour les sapins, santons et autres cadeaux divers, un stand particulier, celui de Sébastien François, créateur artisanal d'objets érotiques. Le commerçant y exposait ses produits commercialisés sous la marque "Cyprine-Art" : des colifichets de courgettes et carottes en céramique, des tee-shirts où s’ébattent des couples de loutres, des tableaux où des voitures s’encastrent gaiement, des statuettes de forme phallique subtilement appelées "Les endimanchés"... 

26 novembre 2011 : pas de sex-toys sur le marché de Noël ! Très vite, l'originalité du chalet a attiré, outre la curiosité des clients, la réprobation de plusieurs passants dits "choqués" par la vue des produits. Bien que l'artisan ait rapidement retiré de la vente les produits les moins "soft", telle la fusée "Ariane 7", la hotte du père Noël semblait toujours trop "hot" aux yeux de certaines personnes. Sous pressions des nombreuses réactions indignées, dont celle de l'adjointe au maire et députée UMP locale, Valérie Rosso-Debord, le président de l'Association Les vitrines de Nancy, organisatrice du marché de Noël nancéien, a enjoint à l'artisan de fermer son chalet. Le commerçant a quitté son emplacement ce samedi 26 novembre 2011. 

Le message des dauphins
Des objets susceptibles de choquer les mineurs ? Comme argument, est principalement invoquée la protection des mineurs, qui pourraient être "choqués" par la vue des objets litigieux. Il convient de rappeler que la loi pénale française n'interdit pas la diffusion de messages érotiques aux mineurs, uniquement ceux pornographiques (Code pénal, article 227-24). Or, le caractère purement érotique des objets de M. François ne semble ni être contesté, ni pouvoir être contestable !
Qui plus est, majeurs et mineurs peuvent ne pas percevoir une image de la même manière. L’illusion d’optique appelée « Le message des dauphins » en constitue un parfait exemple : très souvent, un majeur voit un couple enlacé (les mains d’un homme posées sur les seins d’une femme), alors qu’un mineur ne discerne que des dauphins. L’innocence d'un mineur peut parfois suffire à le protéger d’un message pourtant perçu comme présentant un caractère sexuel pour l’adulte.
En l'espèce, il semblerait que la finesse de l'artisan soit susceptible d'évoquer tout à la fois des pensées sexuelles pour un majeur ET ludiques et inoffensives pour un mineur : la simple reproduction de légumes du jardin, de statuettes qui ressemblent davantage aux célèbres "barbapapas" qu'à des pénis, des représentations d'accidents de voitures ou encore de dessins animés d'animaux en train de jouer... Invoquer la protection des mineurs semble relever davantage de l'hypocrisie que de la réalité : n'est-ce pas plutôt les seuls majeurs qui s'offusquent et ne supportent pas la vue de ces objets ?


Une décision fondée ? Le commerçant, qui s'est vu obligé de quitter son emplacement, attend dorénavant l'arrêté municipal actant de son éviction, aux fins éventuelles de le contester devant les juridictions administratives. En effet, le maire selon l'article L2212-2 du Code général des collectivités territoriales, assure "le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques". Mais il n'est pas pour autant gardien de la moralité publique! Nous attendons dès lors tout aussi impatiemment que M. François la publication de cet arrêté, curieux de pouvoir y lire l'argument qui pourrait légitimer une telle décision...

Des cadeaux coquins au pied du sapin ? La sexualité et ses images, ou simples évocations, explicites ou implicites, suscitent depuis toujours, dans une même société, à la fois attrait et répulsion.  L'éviction du village de Noël nancéien du stand d'objets érotiques n'en est qu'une nouvelle manifestation. Toutefois, si les cadeaux coquins sont exclus du marché de Noël de Nancy, il semble qu'il en faille plus pour les bannir de dessous les sapins. En témoignent les nombreuses tentatives de magasins spécialisés dans la vente des sex-toys pour "gonfler leurs ventes" pendant la période de Noël : les sex-toys, des cadeaux de Noël comme les autres ? En tous les cas, des cadeaux de Noël licites.

jeudi 24 novembre 2011

Sade : autrefois "damné", aujourd'hui "réhabilité"?


Généralités. Le présent arrêt conduit à s'interroger sur le régime des publications destinées à la jeunesse dans une hypothèse particulière : le refus du ministre de l'Intérieur de faire usage des pouvoirs de police spéciale que lui confère l'article 14 de la loi du 16 juillet 1949 : 
(...)  Le ministre de l'intérieur est habilité à interdire : de proposer, de donner ou de vendre à des mineurs les publications de toute nature présentant un danger pour la jeunesse en raison de contenus à caractère pornographique ou susceptibles d'inciter au crime ou à la violence, à la discrimination ou à la haine contre une personne déterminée ou un groupe de personnes, aux atteintes à la dignité humaine, à l'usage, à la détention ou au trafic de stupéfiants ou de substances psychotropes ; d'exposer ces publications à la vue du public en quelque lieu que ce soit, et notamment à l'extérieur ou à l'intérieur des magasins ou des kiosques, et de faire pour elles de la publicité par la voie d'affiches ; d'effectuer, en faveur de ces publications, de la publicité au moyen de prospectus, d'annonces ou insertions publiées dans la presse, de lettres-circulaires adressées aux acquéreurs éventuels ou d'émissions radiodiffusées ou télévisées (...).
Cette interdiction peut se doubler d'une interdiction d'exposer de telles publications à la vue du public, et, le cas échéant, d'une interdiction de publicité.

2010 : une première décision. L'association Promouvoir, habituée des prétoires, semble poursuivre une lutte sans fin contre la diffusion  chaque semaine par le journal Le Monde de volumes dits "classiques de la littérature libertine" de Diderot, Mirabeau ou Sade. 

A la suite d'une première requête de l'association, en date du 29 juin 2010, le Conseil d'Etat a décidé en juillet 2010 que "le moyen tiré de ce que le ministre compétent commet une erreur manifeste d'appréciation en ne prononçant pas l'interdiction à la vente des mineurs des ouvrages de Sade proposés en complément d'un quotidien ne crée pas un doute sérieux sur la légalité de la décision dont la suspension est invoquée" (CE, 15 juillet 2010, n°341023). La juridiction administrative retient principalement qu'il s'agit d'auteurs reconnus de la littérature française et que les conditions de diffusion (ouvrages proposés sous cellophane en supplément du quotidien) ne sont pas conçues pour attirer les mineurs. Cette décision, il semblait légitime de le penser, "mettait fin à l'affaire"...

2011 : une seconde décision. Toutefois, une nouvelle requête de l'association Promouvoir, en date du 02 juillet 2010, conduit le Conseil d'Etat à réexaminer sa position. L'association demande principalement à la juridiction administrative d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le ministre de l'Intérieur à refusé de faire usage des pouvoirs que lui confère l'article 14 de la loi de 1949 pour l'ouvrage La philosophie dans le boudoir de Sade, ainsi que pour tous les autres ouvrages de la collection "Les grands classiques de la littérature libertine" diffusés par le journal Le Monde. Dans sa décision en date du 02 novembre 2011, le Conseil d'Etat considère que "la diffusion dans la collection Les grands classiques de la littérature libertine de La philosophie dans le boudoir, en supplément du journal Le Monde ne présente pas, pour la jeunesse, un danger d'une gravité telle que le ministre aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des circonstances de l'espèce en s'abstenant de faire usage des pouvoirs qu'il tient des dispositions citées de la loi du 16 juillet 1949". 
La juridiction présente deux principaux arguments : 
      - Des conditions spéciales de diffusion "cet ouvrage est proposé à la vente, sous forme d'un supplément distinct du journal, dans un emballage ne permettant pas de le feuilleter avant l'acquisition, que sa couverture est neutre, et que rien dans les messages publicitaires conçus pour en promouvoir la vente n'est particulièrement destiné à retenir l'attention des mineurs"
      - La préexistence d'une diffusion à tout public des oeuvres de Sade : "les ouvrages de Sade sont couramment publiés et disponibles sans restriction d'aucune sorte aussi bien dans les bibliothèques publiques que dans les librairies, notamment dans des éditions de poche d'un prix équivalent à celui de la collection dont la diffusion est contestée".
Le Conseil d'Etat ajoute que "les conclusions concernant les autres ouvrages de la même collection ne sont en tout état de cause assorties d'aucun moyen ni d'aucune précision propres aux ouvrages concernés, et ne peuvent par suite qu'être également rejetées". 
Bien que sensiblement similaires à ceux retenus en juillet 2010, le Conseil d'Etat fournit des arguments bien plus développés. Toute nouvelle requête de l'association Promouvoir contre la diffusion d'ouvrages par le journal Le Monde dans sa collection "Les grand classiques de la littérature libertine", même directement dirigée contre un des livres en particulier, comme en l'espèce, semble d'ores-et-déjà vouée à l'échec...

Les oeuvres de Sade : une diffusion toujours sujette à controverse. Il convient de rappeler que les oeuvres de Sade ont fait l'objet de nombreuses condamnations sous l'empire de l'ancien Code pénal. D'ailleurs, la première décision à employer le terme "pornographique" serait un jugement du tribunal correctionnel de la Seine du 10 janvier 1957 à propos du livre de Sade Juliette ou la prospérité du vice, jugé comme outrageant les bonnes moeurs (T. corr. Seine, 10 janv. 1957, Dalloz 1957, p. 259). Depuis, l'évolution des mentalités, et le changement des lois elles-mêmes, ont élargi le champ du permis des représentations de la sexualité et permettent une plus large diffusion des oeuvres à caractère sexuel, sauf à être qualifiées de pornographiques et donc interdites de diffusion aux mineurs (C. pén., art. 227-24).  Depuis l'entrée en vigueur du nouveau Code pénal, aucune oeuvre de Sade n'a fait l'objet d'une condamnation sur le fondement de l'article 227-24 du Code pénal. Bien que les législations pénales et administratives soient indépendantes l'une de l'autre, elles peuvent parfois, comme ici, "s'accorder".


Toutefois, une partie de la société s'offusque toujours de la diffusion des  oeuvres de Sade, pourtant a priori légalement autorisées. Les requêtes de l'association Promouvoir n'en sont pas les seuls manifestes. Ainsi, le jour précédent la décision du Conseil d'Etat, le Conseil supérieur de l'Audiovisuel (haute autorité de la communication audiovisuelle) a mis en garde France Culture à la suite de la diffusion le 23 juin 2011 à 10h de l'émission "Les nouveaux chemins de la connaissance" au cours de laquelle a été lu un extrait de l'ouvrage Les 120 journées de Sodome de Sade, en raison de, dixit le CSA, "son registre particulièrement violent".  


 Même si tous ne semblent pas agréer facilement "son salut", rappelons que les oeuvres de Sade ont désormais intégré les ouvrages prestigieux de La Pléiade.

mardi 22 novembre 2011

"La pudeur & le Soin" nominée au prix Pierre Simon



L'oeuvre. La pudeur & le Soin sous la direction de Bruno PY est paru aux Presses Universitaire de Nancy en avril 2011. L'ouvrage interdisciplinaire recense des articles d'auteurs d'horizons différents : juristes, psychologues et professionnels de la santé.  L'oeuvre aborde avec finesse et délicatesse à la fois la pudeur du soigné (Partie 1) et la pudeur du soignant (Partie 2) : 

PREMIÈRE PARTIE : LA PUDEUR DU SOIGNÉ
  • Histoire de la PudeurCatherine COURTAULT
  • L’image du malade : une protection pénale "bien portante", Julie LEONHARD
  • La pudeur du mineur, une obsession majeure ?, Bertrand MARRION
  • La sexualité des personnes handicapées, Jean-Baptiste THIERRY
  • Pudeur et impudeur des personnes âgées : comment prendre soin des corps des vieux?, Marie-Claude MIETKIEWICZ



DEUXIÈME PARTIE : LA PUDEUR DU SOIGNANT
  • Pudeur et vulnérabilité du soigné, Marie-Laure LANTHIEZ
  • Estime de soi / estime des soins, Gisèle ERRARD
  • Le voilé dévoilé de la pudeur dans la formation du soignantChantal BAUDUIN
  • Cancérologie et respect de la pudeur, Valérie MICHEL
  • Pudeur et psychiatrie, regard juridique, Jean-Philippe VAUTHIER
  • La pudeur verbale dans le soin, Caroline ZORN
  • Aphrodite contre Hippocrate, Bruno PY




Nominée aux Prix Pierre Simon. Quelques mois après sa parution, l'ouvrage est nominé  aux Prix Pierre Simon dans la catégorie "éthique et réflexion". Inspirés par les pensées et l'oeuvre du gynécologue de renom Pierre Simon, les prix Pierre Simon récompensent chaque année depuis 2007 des oeuvres privilégiant et présentant un regard réflexif sur l'éthique. 

A ses côtés sont nominés :


  • Ethique du soin ultime, Jacques RICOT, Presses de l'EHESP, 2010
  • La Blessure et la force, Philippe BARRIER, PUF, 2010
  • Eléments pour une éthique de la vulnérabilité - Les hommes, les animaux, la nature, Corine PELLUCHON, Cerf, 2011
  • La Reine Alice, Lydia FLEM, Seuil, 2011
  • Croire et détruire - Les intellectuels dans la machine de guerre nazie, Christian INGRAO, Fayard, 2010
  • La philosophie du porc et autres essais, Liu XIAOBO, Gallimard, 2011
  • Qui écrira notre histoire? : les archives secrètes du ghetto de Varsovie, Samuel D. KASSOW, Grasset, 2011. 

Gageons que La pudeur et le Soin présente des qualités indéniables susceptibles de lui permettre d'être la lauréate 2011...


Soirée annuelle de remise des prix 2011
Mardi 13 décembre 2011, 19h00
Ministère de la Santé, 8 avenue de Ségur, 75 007 PARIS
www.espace-ethique.org 




lundi 21 novembre 2011

Facebook : une guérilla contre le nu?

L'Origine du monde de Gustave Courbet : une éternelle pomme de discorde ? 

Une oeuvre au passé tumultueux... Le célèbre tableau  a été peint en 1866 par Gustave Courbet (1819-1877), vraisemblablement à la demande du diplomate turco-égyptien Khalil Bey. Il représente l'intimité d'un sexe féminin. Pendant longtemps, il ne circule qu'au sein de collections privées parce qu’il est considéré par les intimes du peintre et du propriétaire de l'œuvre comme obscène et hautement pornographique. Fin des années 1960, l’œuvre devient propriété du psychanalyste Jacques Lacan, qui le dissimule dans un cadre à double fond. Depuis 1995, le tableau rejoint les collections du musée d’Orsay et est désormais accessible à tout public, mineurs compris.

2008 : les prémisses d'une nouvelle"censure"...  Dès 2008, une reproduction de l’œuvre sur une plate forme d’échange d’images (Picasa créée par Google) occasionne une vive réaction du moteur de recherche. M. Léo Lau, un internaute d’origine chinoise a publié sur la plate forme une reproduction du tableau. Le site d’hébergement, alerté par des utilisateurs du net, supprime la reproduction au motif qu’elle contrevient à son règlement. Le règlement du programme Picasa interdit en effet "la diffusion d’images ou de contenus vidéographiques incluant des scènes de nudité, des représentations graphiques à caractère sexuel" et tout document que Google considère comme "sexuellement explicite"L'Origine du monde présente, selon le site d'hébergement, de telles caractéristiques interdites.  Google ne restera pas longtemps le seul à revêtir le costume de la « censure » devant le sexe féminin le plus célèbre du monde… 

2011 : Facebook interdit la diffusion d'une reproduction de l'oeuvre. Dès février 2011, le célèbre réseau social Facebook suspend le compte d’un utilisateur danois, l’artiste plasticien Frode Steinicke, qui a affiché sur son profil le tableau de Courbet. La déclaration des droits et responsabilités de Facebook, dans son article 3, précise que sont interdits les contenus "à caractère pornographique ou contenant de la nudité". Les modérateurs du réseau social considèrent que ces caractères sont prohibés au nom de la protection des mineurs (selon l'article 4 de la déclaration, les mineurs de moins de 13 ans ne peuvent utiliser le réseau social, toutefois, notons qu'il suffit, pour un mineur de moins de 13 ans, d'entrer une date de naissance fictive - lui permettant de paraître suffisamment âgé - pour contourner l'obstacle...). L’internaute fait rapidement amende honorable : dans un message adressé à Facebook, il dit « regretter son geste » et l’avoir fait « par mégarde » car « ignorant ces règles ». Son compte est alors réactivé (à l’exception de la représentation, objet de la sanction).


Par la suite c'est au tour d'un internaute français, Frédéric Durand-BaIssas, de "vivre" la suppression de son compte Facebook  : il a publié comme photographie de profil l'illustration de l'oeuvre (et sur sa page un lien permettant  de visionner un reportage sur l'histoire du tableau diffusé sur une chaîne de télévision). Le réseau social avance alors le même argument que celui présenté quelques mois plus tôt : l'oeuvre présente un caractère interdit. Selon les modérateurs, Facebook doit "demeurer un milieu virtuel sûr à visiter, y compris pour les enfants qui l'utilisent"L'avocat de l'internaute a déposé récemment une assignation contre Facebook devant le tribunal de grande instance de Paris pour atteinte à la liberté d'expression. 

L’Origine du monde : une oeuvre interdite? Le système juridique français se concentre aujourd'hui sur la protection de la jeunesse : il n'est plus question de protéger la collectivité et la morale publique, mais la fragilité psychique des mineurs. Ainsi, la pornographie est-elle encadrée, dans le souci toujours plus grand de protection des mineurs. Par le Code pénal le mineur est protégé à un double niveau : non seulement en tant que « spectateur-sujet », mais aussi en tant  qu’ « acteur-objet ». L’article 227-24 du Code pénal interdit ainsi la pornographie accessible aux mineurs (ils ne peuvent en être spectateurs). Puisque des mineurs utilisent Facebook, il est essentiel que le réseau social interdisent les contenus à caractère pornographique. La question est : L'Origine du monde est-elle pornographique? S'il est un consensus selon lequel la pornographie est indéfinissable, il semble admis que la seule nudité ne peut être qualifiée de pornographique. L'oeuvre ne serait dès lors pas pornographique, et ce indépendamment de son caractère artistique. 


Toutefois, le litige ne porte pas nécessairement sur le caractère pornographique ou non du tableau de Courbet, puisque Facebook prohibe également les simples représentations de nu. Que l'oeuvre soit qualifiée ou non de pornographique - a priori non -, puisqu'elle est une image de nu, elle  revêt un caractère inéluctablement interdit par la déclaration des droits et responsabilités du réseau social. Ainsi, la véritable question serait plutôt : pourquoi Facebook interdit-il les représentations de nu pourtant légalement admises? 

Facebook : une chasse au nu relative. Plusieurs manifestations de cette guerre contre le nu entamée par le réseau social existent : outre les épisodes relatifs à L'Origine du monde, Facebook supprime ou menace de supprimer régulièrement des images de nu. Ainsi, une internaute passionnée de nu artistique qui publie des photographie de corps nus en noir et blanc subit régulièrement des pressions, tout comme les utilisateurs qui publient des photographies d'allaitement laissant entrevoir une partie du sein. Cependant, la chasse aux nus ne connaît que de bien faibles "prises" en comparaison du grand nombre d'images de nu fréquemment publiées. Même des reproductions de L'Origine du monde existent toujours sur les pages du réseau social : plusieurs présentent l'oeuvre, voire protestent contre la position de Facebook. Les modérateurs expliquent ces différences de traitement des internautes par le fait qu'ils n'interviennent, a posteriori, que si un utilisateur les informe de l'existence d'un contenu susceptible d'être interdit. Aucun contrôle automatique n'a encore vu le jour. La guerre contre le nu existe donc, mais elle demeure heureusement encore minime et ne repose que sur des "dénonciations" des internautes...

Des questions. Notons que les controverses relatives à L'Origine du monde soulèvent d'autres questionnements que la seule place de la nudité sur le réseau social. Quelle est la place de l'art? Au nom de l'art, peut-on tout montrer? Qu'est-ce que la pornographie?
En résumé, l'essence même de ce cybercarnet...