L'Origine du monde de Gustave Courbet : une éternelle pomme de discorde ?
Une oeuvre au passé tumultueux... Le célèbre tableau a été peint en 1866 par Gustave Courbet (1819-1877), vraisemblablement à la demande du diplomate turco-égyptien Khalil Bey. Il représente l'intimité d'un sexe féminin. Pendant longtemps, il ne circule qu'au sein de collections privées parce qu’il est considéré par les intimes du peintre et du propriétaire de l'œuvre comme obscène et hautement pornographique. Fin des années 1960, l’œuvre devient propriété du psychanalyste Jacques Lacan, qui le dissimule dans un cadre à double fond. Depuis 1995, le tableau rejoint les collections du musée d’Orsay et est désormais accessible à tout public, mineurs compris.
2008 : les prémisses d'une nouvelle"censure"... Dès 2008, une reproduction de l’œuvre sur une plate forme d’échange d’images (Picasa créée par Google) occasionne une vive réaction du moteur de recherche. M. Léo Lau, un internaute d’origine chinoise a publié sur la plate forme une reproduction du tableau. Le site d’hébergement, alerté par des utilisateurs du net, supprime la reproduction au motif qu’elle contrevient à son règlement. Le règlement du programme Picasa interdit en effet "la diffusion d’images ou de contenus vidéographiques incluant des scènes de nudité, des représentations graphiques à caractère sexuel" et tout document que Google considère comme "sexuellement explicite". L'Origine du monde présente, selon le site d'hébergement, de telles caractéristiques interdites. Google ne restera pas longtemps le seul à revêtir le costume de la « censure » devant le sexe féminin le plus célèbre du monde…
2011 : Facebook interdit la diffusion d'une reproduction de l'oeuvre. Dès février 2011, le célèbre réseau social Facebook suspend le compte d’un utilisateur danois, l’artiste plasticien Frode Steinicke, qui a affiché sur son profil le tableau de Courbet. La déclaration des droits et responsabilités de Facebook, dans son article 3, précise que sont interdits les contenus "à caractère pornographique ou contenant de la nudité". Les modérateurs du réseau social considèrent que ces caractères sont prohibés au nom de la protection des mineurs (selon l'article 4 de la déclaration, les mineurs de moins de 13 ans ne peuvent utiliser le réseau social, toutefois, notons qu'il suffit, pour un mineur de moins de 13 ans, d'entrer une date de naissance fictive - lui permettant de paraître suffisamment âgé - pour contourner l'obstacle...). L’internaute fait rapidement amende honorable : dans un message adressé à Facebook, il dit « regretter son geste » et l’avoir fait « par mégarde » car « ignorant ces règles ». Son compte est alors réactivé (à l’exception de la représentation, objet de la sanction).
Par la suite c'est au tour d'un internaute français, Frédéric Durand-BaIssas, de "vivre" la suppression de son compte Facebook : il a publié comme photographie de profil l'illustration de l'oeuvre (et sur sa page un lien permettant de visionner un reportage sur l'histoire du tableau diffusé sur une chaîne de télévision). Le réseau social avance alors le même argument que celui présenté quelques mois plus tôt : l'oeuvre présente un caractère interdit. Selon les modérateurs, Facebook doit "demeurer un milieu virtuel sûr à visiter, y compris pour les enfants qui l'utilisent". L'avocat de l'internaute a déposé récemment une assignation contre Facebook devant le tribunal de grande instance de Paris pour atteinte à la liberté d'expression.
Par la suite c'est au tour d'un internaute français, Frédéric Durand-BaIssas, de "vivre" la suppression de son compte Facebook : il a publié comme photographie de profil l'illustration de l'oeuvre (et sur sa page un lien permettant de visionner un reportage sur l'histoire du tableau diffusé sur une chaîne de télévision). Le réseau social avance alors le même argument que celui présenté quelques mois plus tôt : l'oeuvre présente un caractère interdit. Selon les modérateurs, Facebook doit "demeurer un milieu virtuel sûr à visiter, y compris pour les enfants qui l'utilisent". L'avocat de l'internaute a déposé récemment une assignation contre Facebook devant le tribunal de grande instance de Paris pour atteinte à la liberté d'expression.
L’Origine du monde : une oeuvre interdite? Le système juridique français se concentre aujourd'hui sur la protection de la jeunesse : il n'est plus question de protéger la collectivité et la morale publique, mais la fragilité psychique des mineurs. Ainsi, la pornographie est-elle encadrée, dans le souci toujours plus grand de protection des mineurs. Par le Code pénal le mineur est protégé à un double niveau : non seulement en tant que « spectateur-sujet », mais aussi en tant qu’ « acteur-objet ». L’article 227-24 du Code pénal interdit ainsi la pornographie accessible aux mineurs (ils ne peuvent en être spectateurs). Puisque des mineurs utilisent Facebook, il est essentiel que le réseau social interdisent les contenus à caractère pornographique. La question est : L'Origine du monde est-elle pornographique? S'il est un consensus selon lequel la pornographie est indéfinissable, il semble admis que la seule nudité ne peut être qualifiée de pornographique. L'oeuvre ne serait dès lors pas pornographique, et ce indépendamment de son caractère artistique.
Toutefois, le litige ne porte pas nécessairement sur le caractère pornographique ou non du tableau de Courbet, puisque Facebook prohibe également les simples représentations de nu. Que l'oeuvre soit qualifiée ou non de pornographique - a priori non -, puisqu'elle est une image de nu, elle revêt un caractère inéluctablement interdit par la déclaration des droits et responsabilités du réseau social. Ainsi, la véritable question serait plutôt : pourquoi Facebook interdit-il les représentations de nu pourtant légalement admises?
Toutefois, le litige ne porte pas nécessairement sur le caractère pornographique ou non du tableau de Courbet, puisque Facebook prohibe également les simples représentations de nu. Que l'oeuvre soit qualifiée ou non de pornographique - a priori non -, puisqu'elle est une image de nu, elle revêt un caractère inéluctablement interdit par la déclaration des droits et responsabilités du réseau social. Ainsi, la véritable question serait plutôt : pourquoi Facebook interdit-il les représentations de nu pourtant légalement admises?
Facebook : une chasse au nu relative. Plusieurs manifestations de cette guerre contre le nu entamée par le réseau social existent : outre les épisodes relatifs à L'Origine du monde, Facebook supprime ou menace de supprimer régulièrement des images de nu. Ainsi, une internaute passionnée de nu artistique qui publie des photographie de corps nus en noir et blanc subit régulièrement des pressions, tout comme les utilisateurs qui publient des photographies d'allaitement laissant entrevoir une partie du sein. Cependant, la chasse aux nus ne connaît que de bien faibles "prises" en comparaison du grand nombre d'images de nu fréquemment publiées. Même des reproductions de L'Origine du monde existent toujours sur les pages du réseau social : plusieurs présentent l'oeuvre, voire protestent contre la position de Facebook. Les modérateurs expliquent ces différences de traitement des internautes par le fait qu'ils n'interviennent, a posteriori, que si un utilisateur les informe de l'existence d'un contenu susceptible d'être interdit. Aucun contrôle automatique n'a encore vu le jour. La guerre contre le nu existe donc, mais elle demeure heureusement encore minime et ne repose que sur des "dénonciations" des internautes...
Des questions. Notons que les controverses relatives à L'Origine du monde soulèvent d'autres questionnements que la seule place de la nudité sur le réseau social. Quelle est la place de l'art? Au nom de l'art, peut-on tout montrer? Qu'est-ce que la pornographie?
En résumé, l'essence même de ce cybercarnet...
En résumé, l'essence même de ce cybercarnet...
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